Naufragé volontaire, raconte-moi la meeeeer !

 Il y a seize ans, j'avais involontairement fait échouer Lovict, le bateau de mon mari, sur l'île Macquarie (ses manchots, ses rochers, ses lichens, son climat AOP, etc, etc). J'observe aujourd'hui la course clignotante d'Argyronète dans la portion orientale du Pacifique sud. Je devrais passer le Cap Horn dans quelques dizaines d'heures, si je prends grosso modo le cap au 100, mais pour le moment, les vents et une attraction fatale me poussent tel un voleur vers la Terre de Feu. Je me demande s'il me serait possible de naufrager mon navire électronique dans une des innombrables passes de l'archipel, dont l'aspect de dentelle gracile (vu d'en haut) me fascine. Ce que je ferais de ma vie de skipper virtuel, une fois mon embarcation échouée dans un bras de mer aveugle, entouré de montagnes lunaires battues par les champions du monde des vents, je n'en sais fichtre rien ; il y a fort à parier qu'à l'instar de Bernard Poiteau (dont je poursuis le célèbre Anticyclone Molin-Molette), je finirais mes cassoulets lyophilisés en lisant un bouquin utile à ma survie quoique distrayant, comme Les Naufragés du Wager, je regarderais planer les condors, puis tenterais un saut vers la berge pour mes deux heures de promenade quotidiennes dans les rochers, les lichens, etc.
Voilà. C'est tout pour aujourd'hui. Il pleut. Il fait un de ces froids humides qui vous fait regretter qu'il ne soit pas plus froid pour qu'au moins, on ait de la neige. Je vais aller peindre des portes pour de vrai. Finalement, on ne doit pas être si mal que ça en Terre de Feu.