mercredi 8 janvier 2025

Trucs et astuces (1)

 Il se dit dans le monde de la mer que la majorité des noyés ont été retrouvés la braguette ouverte.

J'ignore si cette affirmation a jamais été étayée par quelque étude que ce soit (la revue Current Epidemiology Reports est muette sur la question). On peut toutefois imaginer que des médecins légistes curieux ont en leur temps mené des investigations poussées avant de jouer du scalpel et révélé les conclusions de leurs recherches au buffet d'un joyeux congrès de la SFMLEM ; mais mon flair et mon expérience me suggèrent que la maxime bretonne n'est que le fruit des observations populaires et d'une certaine logique.

Quiconque a jamais navigué en compagnie d'un homme (cet humain muni d'un pénis (1)) connaît l'habitude (fâcheuse, mais apparemment distrayante) du marin tenaillé par les exigences de la physiologie : l'individu ouvre soudain la braguette de son short (en version rapide), ou dans des conditions moins favorables se tortille bizarrement, tout engoncé dans sa veste de quart et son pantalon de ciré, puis, quand il fait preuve de sagacité, se positionne sous le vent, bien calé (pense-t-il) contre les haubans ou l'étai, et se soulage avec un contentement que seules les personnes contraintes à la sobriété urinaire peuvent comprendre. Je précise que les femmes (2) équipées de cet engin (voir l'illustration suivante) sont parfois capables du même exploit, que j'applaudis avec d'autant plus de sincérité que, malgré un entraînement intensif in vitro (dans ma douche), je déplore n'avoir jamais réussi à maîtriser le fameux dispositif siliconé, en particulier en conditions écologiques.

L'équipage d'Oop-pop-sh'bam ne fait pas exception à la règle. Notre fier (et respectueux) navire est équipé de toilettes sèches (nous embarquons de la sciure pour cages de lapins) afin d'éviter de surcharger les eaux d'OFNI, mais nous faisons comme les poissons dans la chanson de Renaud. A l'attention des lecteurs avides de détails techniques, après mes pitoyables tentatives d'utilisation du pisse-debout, j'ai opté pour le seau au milieu du cockpit et pour la promesse que je jetterai l'œil du premier qui jettera un œil.

Il arrive donc que je sois obligée par les contingences vésicales de mon capitaine et mari de prendre la barre. J'ai déjà dit quelle formidable équipière je suis : ce n'est rien à côté de la barreuse qui sommeille en moi. Prendre les commandes de notre voilier (que je chéris) signifie pour moi risquer de faire la connerie monumentale qui précipitera mon mari par le fond et fera de lui, si jamais on retrouve son corps avant que les merlus ne le boulottent et les crabes ne le grignotent, un sujet d'une importance épidémiologique non négligeable si on considère que le premier chercheur qui sortira un papier documenté sur la question est bien capable de remporter un IgNobel (gloire internationale assurée). En résumé : la barre me stresse, et comme je suis stressée, je suis crispée, et puisque je suis crispée, je barre mal - mais aussi on n'a pas idée de flotter sur des vagues (rendez-moi le plan d'eau de la Maxe !), avec des chalutiers qui font route de collision, des filets, des bouées -, bref, tout se conjugue pour que le téméraire candidat à la miction passe par-dessus bord et participe aux statistiques bayésiennes à l'origine de ce premier billet "trucs et astuces", à tendance "truc" plutôt qu'astuce, puisque la seule que j'aie trouvée pour sécuriser le marin pollakiurique consiste en l'équipement peu glamour mais efficace sonde + poche. 

(1) C'est moi qui fixe le champ théorique, et il sera bêtement biologique. Le reste m'échappe.
(2) On définira ce terme en opposition au précédent.

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