L'icône incontestée de la femme de marin est le fruit de l'imagination fertile d'Homère. J'ai en commun avec Pénélope (outre un époux prêt à mettre les voiles pendant deux décennies, le temps que je prenne ma retraite à 78 ans) une fascination pour l'art du tissage, qui se traduit dans mon cas par un amour phobique des araignées. Je pourrais aussi, comme elle, repousser des prétendants, mais force est de constater qu'ils ne se bousculent pas à ma porte (je laisse le lecteur libre d'imaginer si la phrase précédente témoigne de mon soulagement ou de ma déception).
Bon, faut avouer, l'éphèbe couronné de laurier qui essaie de passer par ma fenêtre,
il se prend deux claques et on n'en parle plus.
Homère (ce vieux réac) a joué un sale tour aux femmes de marins. Cela fait presque trois mille ans que l'humanité se traîne le mythe de la compagne éplorée qui ne sait plus quoi faire pour affronter l'adversité en l'absence de son seigneur et maître. Même Apollinaire s'y est mis :
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revînt
L'époux royal de Sacontale
Las de vaincre se réjouit
Quand il la retrouva plus pâle
D'attente et d'amour yeux pâlis
Caressant sa gazelle mâle.
Guillaume, je t'aime au-delà du tombeau, mais là, mon féminisme universaliste me dit que tu as peut-être mérité ton passage à la prison de la Santé (1). Une gazelle mâle, on n'a pas idée. Et l'épouse transie qui se morfond pendant vingt ans, encore mieux. Alors que passé le tragique des adieux sur le quai, on le sait toutes : le chat parti, les souris bossent dansent.
C'est en vertu de ce vieil adage et en réponse à la provocation que constitue l'illustration ci-dessous du journal de bord de Bula, que je décrète qu'un samedi après-midi occupé à étudier les effets de l'absence de ventilation sur un corps plongé dans un liquide, puis à fêter ça au bistrot avec les copains, vaut bien quelques tapas ingurgités pendant une prise de quart. Non mais.
(1) Qui n'accueille pas que des génies, comme ça n'a échappé à personne.

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