Le blog de Philippe m'apporte son lot de sympathiques photographies et m'offre l'occasion de me rincer l'œil (énamouré) du verso dénudé de mon dos argenté attitré, saisi par l'objectif au moment du plongeon. Séquence nostalgie.
Plus loin, je tombe sur un extrait du mode d'emploi du catamaran :
"Un virement se définit par : remonter le charriot de bôme, déconnecter le pilote automatique, hurler d'une voix ferme parer à virer, changer le cap franchement environ +/- 80°, relacher l'écoute pour laisser passer l'autovireur, régler le génois avec l'écoute de foc et remettre le pilote une fois le cap et la vitesse retrouvé."
Je salue l'effort didactique de l'auteur, ce paragraphe ayant valeur d'édification des foules de béotiens ignorants de la polysémie et pour qui un virement correspond à un mouvement bancaire, généralement en faveur de l'URSSAF. Toutefois, cette définition me laisse perplexe, tant elle s'écarte de mon connu (je rappelle que mon connu est un plan Harlé de 6m20, tout droit sorti du chantier Mallard en 1979). Il y a bien quelques analogies, comme le fait que dans l'affaire, mon mari quelqu'un hurle "paré à virer" (je note que personne ne répond "parééééé" sur le même ton : à mon avis, le skipper a sérieusement maté l'équipage), ou encore qu'il faille remonter le chariot de bôme et régler le génois avec l'écoute de foc, mais le reste est plus ou moins de la science-fiction, en particulier l'autovireur. Un autovireur ? On m'avait caché ça ? Et ça ressemble à quoi ? A un vistemboir électronique à burette mobile ou à une honnête poulie ? Et tout ce monde-là navigue au pilote, au près, alors qu'Oop-pop-sh'bam ne connaît à cette allure qu'un barreur en chair et en os, l'écoute de grand-voile entre les dents, à l'ancienne.
Je ne sais s'il faut se réjouir de ces améliorations techniques, qui finiront par amollir le marin en instillant en lui une aversion pour l'effort et le dépassement de soi. C'est comme ça qu'on est passé de gabier d'empointure à titilleur d'enrouleur de génois. Et donc de ceci :
Où l'on admire le métier des hommes de la mer
et leur stupéfiante capacité à évoluer en trois dimensions, chaussés de sabots,
sans trop se casser la gueule.
à cela :
Voilà, quoi. Même pas mal.
Tout se perd.
Sur ce, je vous laisse méditer et je retourne dans ma grotte activer le feu, nourrir mon chihuamouth et faire de jolis dessins sur les parois.
