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jeudi 20 novembre 2025

Superstitions maritimes, épisode 3 : débaptiser un bateau

 Soyons clair : débaptiser un bateau, faut pas. C'est mal, ça fâche les dieux de la mer, quel que soit leur nom -  enfin, surtout les déesses (ces morues femelles).

Autrefois, les bateaux portaient le nom de divinités féminines qui les protégeaient bien mieux que la MACIF contre tempêtes, orques et vagues scélérates. Le marin reconnaissant leur rendait hommage, souvent en sculptant leur image fantasmée à la proue du navire. Il était alors hors de question de donner au bateau le nom d'une autre figure tutélaire que la sienne sous peine de voir se déchaîner la jalousie de l'évincée, sous la forme d'une série d'emmerdes dont on sait depuis Ulysse qu'elles peuvent mener très loin.

Oui, mais quand ton Start 6 nouvellement acquis s'appelle Starky Star, tu fais comment ?
Ben, tu lui coupes le macoui. Couic.

Qu'èsaquo ?

Le macoui, c'est le looooong serpent qui suit à jamais le navire. Il est matérialisé par son sillage, ce qui est pratique pour le localiser (on ne sait jamais). C'est un avatar de la divinité protectrice de jadis, qui se nommait rarement Starky Star. Il est aussi jaloux qu'elle et peut se montrer désagréable si on lui préfère un autre macoui. Pour s'en débarrasser, vous prévoirez un certain nombre de litres du meilleur alcool du bord, parce qu'il ne manquerait plus qu'on soit rapiat pour une opération aussi délicate que couper le kiki du macoui. Il faut aussi faire appel à un ami.

La procédure est simple : comme pour toute intervention délicate, commencez par anesthésier votre macoui en lui faisant avaler une pinte de Laphroaig (pour les impies, à défaut d'endormir le serpent, vous aurez peut-être la bonne surprise de récupérer une bonite pompette, alors ne lésinez pas sur la dose). Ceci fait, votre ami, skipper émérite de n'importe quel bateau et prêt à en risquer l'intégrité, coupe votre macoui en rasant le tableau arrière de Starky Star au plus près et au moins trois fois. Si M. Guillotin s'y était pris comme ça avec son engin, on en serait resté à la bonne vieille décollation à la hache, mais bon, trois fois, on vous a dit. C'est alors que vous prononcerez le nouveau nom de votre navire tout en gratifiant votre nouveau macoui d'un petit coup de gnôle de derrière les fagots. Et comme tout cela s'est fait avec la bénédiction de Neptune, Poséidon, Njört ou Ryūjin, vous n'oublierez pas de vous en attirer les bonnes grâces en lui servant une copieuse rasade de votre meilleur nectar, par tribord, cela va sans dire.

Voilà votre bateau rebaptisé sans risque, vous pouvez dormir tranquille après être allé fêter ça au café du port.

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