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mercredi 19 novembre 2025

Sources d'ennuis en navigation (2) : le problème, c'est les rats.

 Ceux qui ont hoché la tête pour approuver mon titre n'ont :
    1. pas lu l'épisode 2 de la série "superstitions maritimes" ;
    2. rien compris à l'irrépressible pulsion qui pousse certains à élaborer les moyens les plus capillotractés pour parvenir aux jeux de mots les plus navrants. Cela fait 38 ans que je suis à bonne école, avec la fréquentation quotidienne de mon mari (quand il ne vaque pas à une occupation aussi fondamentale que border un génois d'un quart de tour de winch pour aligner les penons), mais reste néanmoins laborieuse dans cet exercice.

Les vagues scélérates, donc. 

Elles sont définies par leur hauteur, qui est au moins le double de celle des vagues environnantes. On a longtemps cru que le phénomène était rare, voire inexistant. Les rescapés de la rencontre fâcheuse entre un navire et une vague de ce type étaient si rares que leurs récits passaient pour les élucubrations de marginaux mythomanes en mal d'attention (et d'un coup à boire aux frais de la princesse), jusqu'à ce que la technologie s'en mêle, avec la mise en place sur certains bateaux de moyens d'enregistrement de la hauteur des vagues, mais surtout avec la détection d'un colosse de 26m de hauteur, en mer du Nord et en 1995, par les capteurs de la plateforme pétrolière Draupner. La vague fugace qui balaya la plateforme ce jour-là porte pour l'éternité le nom de vague Draupner.

Et donc, grosso modo à partir des années 60, on a commencé à moins rigoler quand un matelot bourré racontait qu'un mur d'eau lui était tombé sur le râble. Et comme pour tous les cataclysmes, on s'est demandé comment prévoir la survenue de ces géantes malfaisantes. Mauvaise nouvelle : la vague scélérate est profondément versatile. Elle fait ce qu'elle veut quand elle veut, surgit par ici, s'effondre par là, disparaît avec le navire, ni vu, ni connu. La vacherie ultime. On commence à en comprendre le mécanisme. Pour faire simple : les vagues se bousculent tant et si bien que l'une d'elles se charge de l'énergie de ses copines, qu'elle vampirise sans vergogne pour enfin se dresser, majestueuse, au milieu du menu fretin.

C'est là que nous revenons à nos deux sympathiques chercheurs et à leur dispositif expérimental que voici : 

 
Il ne fait pas bon être un Playmobil dans ce labo
(le gars coule au bout d'une minute).

 Leur couloir de houle enregistre un nombre insensé de vagues scélérates. La vidéo d'Arte ayant disparu, il faut compter sur ma mémoire : j'ai retenu une fréquence d'apparition de 1/1000, qui sera peut-être confirmée un jour par les jouets stratosphériques de notre ami Elon. Je vous annonce donc, camarades navigateurs, que, si les expériences in vitro reflètent bien ce qui se passe sur le terrain, vous avez certainement déjà croisé des rogues waves lors de vos périples. Mais dans une mer belle à peu agitée, sauf à naviguer sur un Start 6, chantier Mallard, plan Harlé, une vague scélérate a peu de chance d'impressionner qui que ce soit, et son apparition sera généralement ponctuée d'un "ah, ben elle était grosse, celle-là". Vous commencerez à frémir quand vous vous retrouverez à batailler dans une mer agitée à forte, dans le golfe de Gascogne ou dans les Bermudes, zones qui, en raison de leurs fonds et de leurs courants, favorisent les gros, gros ennuis.

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