Si le lapin a mauvaise presse sur les bateaux, on s'étonne que le mot "rat" n'en soit pas banni avec autant de vigueur.
Le rat est en effet parfaitement en mesure de ronger ce que grignote un lapin évadé dans une cale, et de se reproduire de manière bien plus efficace que son collègue aux grandes oreilles : en vérité, la rate lapine bien mieux que la lapine. Un couple de rats est capable d'avoir en un an une descendance de 5000 individus, soit autant de fléaux lancés à l'assaut des vivres, de la cargaison et des pièces de charpente du navire, ce qui posait surtout problème quand les bateaux étaient en bois.
Et puis, à l'époque, il y avait la peste, qui flanquait une sacrée trouille aux marins, et surtout aux armateurs qui craignaient le manque à gagner lié aux quarantaines (c'est ainsi que la dernière grande épidémie de peste en France a démarré en 1720 sur le port de Marseille : il semblerait que certains, à qui l'appât du gain avait fait perdre toute prudence, aient été trop pressés de voir débarquer et vendre leurs marchandises bêtement contaminées).
Tout cela aurait dû être à l'origine d'une bonne, belle et internationale superstition maritime, mais non. Au problème du rat furent simplement opposées deux réponses, la première assez pratique...
Voici une réponse très pratique
au problème du rat embarqué.
... et la deuxième furieusement cathartique.
Eh oui. Le premier vampire du cinéma avait une tête de rat.
Le Nosferatu de Murnau, premier vampire du cinéma, est une allégorie de la peste qu'il se fait un plaisir de propager à son arrivée dans le port de la fictive Wisborg, en lâchant une armée de rats crevards dans les ruelles de la ville. Mais auparavant, en semeur de mort certifié, il a fait périr par exsanguination la totalité de l'équipage, hormis ceux qui ont préféré tenter leur chance dans une eau à 2°C.
La tolérance bonhomme du marin au substantif "rat" reste donc un mystère épistémologique.

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